"Veni, vidi, nici" par Franz-Olivier Giesbert
"Chaque fois que je vais à Nice, je me dis que c'est là que je voudrais vivre et mourir. Pour toutes sortes de raisons. Les rires et les parfums du cours Saleya, le matin, quand le marché bat son plein. Le Vieux-Nice et ses labyrinthes vite familiers avec leurs odeurs de socca ou de pain chaud. Et maintenant la Coulée verte, un modèle de parc urbain, festival d'espèces et de senteurs, en passe de devenir l'une des grandes attractions de notre pays avec la tour Eiffel, le château de versailles ou le Mont-Saint-Michel. Sans oublier la promenade des Anglais qui, à mon humble avis, vaut bien les Champs-Elysées.
Cette ville ne ressemble à aucune autre parce qu'elle est d'ici et en même temps d'ailleurs, tout en vivant plutôt bien les sept ou huit identités qui ont fini par faire la sienne. Après avoir aggloméré tour à tour des Britanniques, des Russes ou des Allemands, c'est la métropole la plus internationale de France avec Paris. La preuve, elle a pris dans ses bras quelques-uns des grands personnages de notre Ancien Continent, comme Nietzsche qui a écrit ici certaines des plus belles pages du "Gai Savoir", ou bien Henri Matisse, qui a cru y trouver le paradis, l'a même peint, avant d'y mourir sous ce soleil qu'il aimait tant.
Longue est la liste des célébrités qui y sont nées ou ont demeuré à Nice : Berlioz, Tchaïkovski, Apollinaire, Chagall, Kessel, Le Clézio, Gilbert Bécaud, Michèle Laroque, Michèle Mercier, Patrick Besson, Thierry Ardisson, Dick Rivers...
Contrairement à des villes comme Marseille ou Lyon, Nice a toujours refusé le match avec Paris. Elle n'a pas de comptes à régler avec la capitale. Elle en est une en soi. D'où son calme et son infinie douceur. Enclavée entre les Alpes et la Méditerranée, elle se suffit à elle-même. Depuis la seconde moitié du XIXème siècle, elle a su se mélanger au monde en gardant son identité forte. Rattachée à la France depuis seulement cent cinquante ans, Nice a construit son identité en mariant l'esprit de la Provence proche, à la terre revêche, aux hivers rogues, et la joie de vivre de l'Italie non moins proche, où même les tragédies se terminent par des éclats de rire. Elle n'est ni l'un ni l'autre et puis aussi un peu les deux. Elle reste à l'image de la cuisine nissarde, l'une des meilleures du monde, avec ses plats que personne ne parvient à imiter ailleurs : unique.
Que serait la France sans Nice ? Il lui manquerait cette formidable créativité culinaire, artistique et littéraire qui, depuis plus de quinze décennies, n'a cessé de la nourrir et de l'enrichir. C'est pourquoi, même si on quitte ce melting-pot, on l'emporte néanmoins avec soi."
